Mardi 13 décembre à Rennes à la Maison des Associations à 20h30
« L’expérience »
Un homme vient témoigner publiquement d’un passé douloureux, enfoui sous le secret D’État. Appelé durant la guerre d’Algérie il fut un « cobaye » exposé avec ses hommes aux explosions nucléaires atmosphériques dans le Sahara. Douleur, révolte, incompréhension, le récit poignant déroule ce terrible parcours d’une vie fracassée par la lumière aveuglante de Reggane. L’homme n’a pas de nom, pas de dossier, pas de haine non plus, juste le souvenir d’un éclair blanc, dont Christophe Bataille a recueilli la trace incandescente dans son roman, ici adapté pour la scène par Joël Cudennec.
La metteuse en scène : Dominique Diéterlé
- Maison des Associations, 6 cours des Alliés, Rennes
organisé par Mouvement de la Paix
Réservations : 02 99 51 24 03 (participation aux frais 10 euros; jeunes, étudiants et chômeurs 5 euros)
Extrait de Planete Paix, octobre/novembre 2016 :
Si les villes de Hiroshima et de Nasagaki sont à peu près connues d’une grande partie de la population, ce n’est pas le cas des lieux en Algérie où la France a expérimenté, à ciel ouvert, sa propre sale bombe. Christophe Bataille en a écrit un livre. Maintenant c’est au théâtre que l’on retrouve cet appelé devenu un cobaye.
L’année 2015 commémorait les soixante-dix ans des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki, au Japon. Mais peu de gens savent que Reggane dans le Sahara algérien fut le lieu des premiers essais nucléaires français. Paru aux éditions Grasset en janvier de cette année 2015, le court roman de Christophe Bataille intitulé « L’expérience » se présente comme le témoignage d’un simple appelé du contingent obligé d’être cobaye lors du dernier essai nucléaire atmosphérique à Reggane le 25 avril 1961. A trois kilomètres de ce point inconnu, une tour de cinquante mètres porte une bombe atomique. Le jeune soldat qui parle, accompagné d’une petite patrouille, participe à une expérience. L’histoire est vraie. Elle a été révélée il y a une dizaine d’années. L’opération portait un nom de code : « Gerboise verte1« … Pour Sébastien Lapaque dans le Figaro, « Christophe Bataille signe là un texte dense et poignant sur les sacrifiés du nucléaire français. Plus de vingt ans après la sortie de Annam2, l’écrivain renoue avec le style sec et sans apprêt qui lui valut son premier grand succès ». Jérôme Garcin du Nouvel Observateur précise « Christophe Bataille a eu l’intelligence d’écrire un texte bref et foudroyant, d’une effrayante blancheur, comme l’éclair atomique. Le lire, c’est s’y brûler ». Du livre, il en est tiré une pièce de théâtre, mise en scène par Dominique Diertelé, elle même engagée au Mouvement de la Paix à Concarneau.
Pour Joel Cudennec, interprète, « Dès la première lecture, j’ai su que ce texte pourrait être un spectacle solo difficile à recevoir, mais d’une force et d’une émotion telles que j’en ai immédiatement demandé les droits. Toutes les démarches étant faites, j’en ai proposé un découpage personnel, puis une lecture à quelques amis proches. Leur première écoute m’a définitivement convaincu de le présenter. Comédien professionnel, je suis né en Algérie en 1942 et j’aurais pu être ce « cobaye ». L’État se tait mais il parlera, je vous le garantis ». L’homme meurtri qui s’accroche avec détermination à cet espoir parle après plus de cinquante années de silence. Il se dresse devant nous et prend la parole pour comprendre. Douleur, révolte, incompréhension, le récit poignant déroule ce terrible parcours d’une vie fracassée par la lumière aveuglante de Reggane. L’homme n’a pas de nom, pas de dossier, pas de haine non plus, juste le souvenir d’un éclair blanc. La voix rocailleuse du comédien Joël Cudennec fait surgir le compte à rebours haletant, la lumière au-delà de la lumière, la souffrance, la peur. Le décor volontairement squelettique du sculpteur François Hameury, s’habille comme les souvenirs du vieil homme, d’ombres et de lumières. C’est cette zone d’intensité extrême que nous livre Christophe Bataille. Face à l’histoire et à la mort, il reste les mots, les sensations, la douceur du grand départ puis la lumière. Le Théâtre de l’Ouverture qui produit la pièce est prêt à construire des partenariats avec toutes les structures intéressées pour accueillir le spectacle.
1 4ème essai nucléaire français après Gerboises, bleu, blanche et rouge.
2 Roman paru aux éditions Arléa en 1999.
Extrait : Je suis sorti de la tranchée et tout de suite ses yeux m’ont fixé : deux prunelles de cendre. C’était une chèvre, une pauvre chèvre que nous n’avions pas vue, enchaînée sur la plaine, face au pylône et à la bombe. Un chevreau semblait s’abriter derrière elle, sur ses pattes tremblantes. Tous deux étaient comme cuits. J’ai abandonné mon compteur, et la chèvre s’est mise à hurler. Le chevreau était tombé sous elle. Il y avait ce cri, mécanique, sans être, un cri à nous rendre fous. Pour ce cri, j’aurais renoncé à la France.
Très belle pièce de théâtre, à ne pas rater !