Intervention de Michele Fougeron du MRAP pour le collectif
Chers amis, merci à tous d’être là cette année encore pour cette commémoration d’un événement bien sombre de notre histoire. Et merci d’avoir à cette occasion donné la parole au MRAP au nom des associations appelantes que je rappelle ici avec mes excuses pour les oublis et erreurs du communiqué de presse: 4ACG, ACBB, ARAC, ASA, LDH, Mouvement de la paix et Rennes Setif.
Certes cela s’est produit à Paris et non à Rennes et certains s’étonnent que les associations rennaises invitent à cette commémoration. Mais n’est pas aussi notre histoire? Ne peut on tirer des enseignements de ces fautes?
Ne s’agit il pas d’un événement historique qui a terni l’image de la France et de notre démocratie et dont le souvenir perdure dans les esprits, notamment des familles immigrées de l’Algérie?
Une manifestation pacifique réprimée avec une rare violence; des policiers lâchés dans les rues de Paris pour se livrer à de sanglantes exactions; des violences répétées dans les jours suivants; un préfet de police de sinistre mémoire Maurice Papon, minimisant ces violences (reconnaissant 3 morts!) et couvrant ses séides; une presse caviardée au mépris de la liberté et des témoins de ces exactions, comme le Président du MRAP ou de la LDH de l’époque, n’hésitant pas à aller constater dans la cour même de la Préfecture de police les violences subies par les hommes qui y gisaient à même le sol.
Un Chef de l’État et un gouvernement dont le silence vaut approbation
Et cela pendant des décennies: des pressions pour tenter de museler les historiens qui refusaient de se taire; des commissions d’enquête parlementaires niant d’abord la réalité, puis la reconnaissant du bout des lèvres et si tard: 300 morts ou disparus, qu’on a tout fait en haut lieu pour faire oublier.
17 octobre 1961 – 17 octobre 2012
Il aura fallu 51 ans pour que soit connue au plus haut niveau la responsabilité d’État, donc politique, dans la violente répression de la manifestation contre le couvre-feu des travailleurs algériens. Certes une plaque avait déjà été apposée par le Maire de Paris en mémoire des Algériens jetés à la Seine et bien d’autres villes ont rendu hommage publiquement à ces morts algériens de leurs villes de banlieue.
C’est une satisfaction pour tous ceux qui ont milité pour cette reconnaissance. Mais le communiqué de 4 lignes, publié par l’Elysée du 17 octobre 2012, fait un peu figure de « service minimum », de promesse satisfaite du bout des lèvres. La responsabilité est reconnue, mais non la faute.
Décidément, la politique française a du mal avec sa police à toutes les époques: c’est la sale habitude de couvrir les fautes comme le prouve la nomination de Papon au poste oh! combien politique de préfet de police pendant cette période de la guerre d’Algérie. Et les historiens ont démontré qu’il ne s’agissait pas d’un hasard, d’un débordement de policiers imprévisible. En 1961, Papon avait développé un véritable climat de vengeance qui n’attendait que l’occasion pour passer à l’acte. Depuis des mois, des Algériens de France étaient victimes de violences répétées, des hommes disparaissaient dans le silence de l’indifférence.
Il en reste quelque chose aujourd’hui encore, comme le prouvent les procès avortés des décennies plus tard chaque fois que sont mis en cause des policiers pour des violences contre « des jeunes des banlieues » comme à Villiers le Bel, à Dammarie les Lys ou à Clichy sous bois.
Alors il est de notre devoir de ne pas participer à cette tentation de l’oubli, de transmettre et de garder vivants dans la mémoire collective ces morts Algériens qui réclamaient simplement un droit fondamental: le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Et n’oublions pas que ce sont des violences policières graves qui ont conduit des jeunes des Minguettes, banlieue de Lyon, à s’engager voici 30 ans dans la Marche de l’égalité et contre le racisme le 15 octobre 1983. Le MRAP Ille et Vilaine à décide de marquer à Rennes cet anniversaire en ce mois de novembre et appelle toutes les associations à le rejoindre dans ce projet.
Nous allons maintenant jeter ces quelques fleurs au fil de la Vilaine en hommage aux Algériens victimes des violences à Paris le 17 octobre 1961 dont beaucoup périrent dans la Seine. Au même moment, le même geste est accompli comme chaque année à Paris sur le pont St Michel à Paris.